Haïti : ambitions et défis autour de la couverture vaccinale

Haïti ambitionne d’atteindre une couverture vaccinale de 95 % pour tous les antigènes du programme élargi de vaccination. Mais entre insécurité, désinformation et difficultés logistiques, la route vers cet objectif reste semée d’obstacles.

Port-au-Prince, 10 octobre 2025 — Selon le ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP), le pays vise à faire passer la couverture nationale de 75 % à 95 %. Ce projet bénéficie du soutien de partenaires internationaux, dont l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS/OMS) et le gouvernement canadien, à travers l’initiative CanGIVE.

En 2024, une campagne de rattrapage contre la diphtérie a permis de vacciner plus de 234 000 enfants âgés de 12 à 59 mois dans huit départements, atteignant une couverture estimée à 95 % des cibles visées. Une réussite encourageante qui prouve que les campagnes ciblées peuvent porter leurs fruits, même dans un contexte instable.

Le MSPP a également intensifié ses efforts pour renforcer la surveillance épidémiologique et étendre les activités de vaccination, malgré la recrudescence de la violence. En février 2025, plus de 7,5 tonnes de vaccins et de produits médicaux ont été livrées grâce à l’appui de l’OPS/OMS.

Des obstacles persistants sur le terrain

La progression de la couverture vaccinale se heurte à plusieurs freins majeurs.

L’insécurité, d’abord. Dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, plus de 85 % du territoire serait sous l’influence de groupes armés, selon l’OPS. Les équipes de santé peinent à atteindre certaines zones, mettant en péril la continuité des campagnes.

La désinformation et la méfiance, ensuite. Dans plusieurs quartiers, des rumeurs persistent sur la sécurité des vaccins. « Ils m’ont dit que le vaccin pouvait rendre malade. J’ai peur pour mes enfants », confie une mère rencontrée dans une commune de la capitale.

À cela s’ajoutent les contraintes logistiques : transport difficile, ruptures de la chaîne du froid dues aux coupures de courant, manque de personnel formé et d’infrastructures adaptées.

Enfin, le manque de suivi régulier empêche certains enfants d’être vaccinés. Ces “zéro-dose” échappent souvent au système faute de campagnes continues et d’un encadrement communautaire efficace.

Un enjeu collectif pour la santé publique

Malgré les défis, certaines campagnes locales, notamment contre le choléra dans l’Artibonite, ont dépassé leurs objectifs, avec plus de 200 000 vaccinations enregistrées dans les communes ciblées. Ces succès ponctuels montrent qu’une mobilisation coordonnée peut faire la différence.

La réussite de l’objectif de 95 % dépendra désormais de la capacité des acteurs à :

Sécuriser les zones vulnérables ;

Combattre la désinformation par des campagnes crédibles ;

Améliorer la logistique et la chaîne du froid ;

Assurer un suivi durable des enfants non vaccinés ;

Renforcer la coordination entre les institutions publiques et les partenaires internationaux.

Haïti se trouve à un tournant crucial. Si les campagnes démontrent que le progrès est possible, leur pérennisation nécessitera un engagement collectif et constant. La vaccination, au-delà de l’acte médical, demeure un symbole de justice sociale et de résilience pour un pays en quête de stabilité.

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